Réciprocité en éducation et en formation
« Une instruction qu’on reçoit sans la transmettre forme des esprits sans dynamisme, sans autocritique »
Ou encore : « Nous croyons en effet qu’il court toujours un peu de nuances philosophiques sur un enseignement vivant ; un enseignement reçu est psychologiquement un empirisme ; un enseignement donné est psychologiquement un rationalisme.
Je vous écoute : je suis toute ouïe. Je vous parle : je suis tout esprit ».
Gaston Bachelard dans "La Formation de l’esprit scientifique".
Un "rebond" sur la réciprocité dans "Parier sur la réciprocité".
Réciprocité, relation de confiance réciproque, qui requiert choix personnel libre et authenticité, ouverture à l’autre, implication et honnêteté, audace et lucidité, respect et plaisir, confidentialité et disponibilité… Elle construit, à son tour, confiance réparatrice, paix, apprivoisements réciproques, amitié, responsabilité, conscience de la singularité de chacun et solidarité.
Réciprocité positive, outil de construction de sens et de transmission de valeurs : elle enrichit les visions du monde, d’un « monde meilleur» pour l’humanité, est instauratrice de parité, chemin vers le meilleur de soi, vers le meilleur d’autrui et vers le meilleur « ensemble ».
Double réciprocité formatrice : chacun apporte aux autres et reçoit, des autres, connaissances et savoir-faire ; chacun apprend des autres, aussi bien en enseignant qu’en apprenant. Les pratiques de réciprocité formatrice réinterrogent la théorie à travers le flux du « donner – recevoir – donner aussi – recevoir aussi… ».
Réciprocité resituée historiquement et socialement dans les recherches sur l’autonomie, l’autoformation et le don, la part d’autrui dans la formation de soi : pour mieux savoir « emprunter ce chemin le plus court de soi à soi-même qui passe par autrui », pour « vivre bien » avec et pour les autres, dans le respect de l’autonomie de chacun et pour la construction d’un monde plus juste.
Réciprocité individuelle et/ou collective. Réciprocité préalable et émergente dans l’interaction. Réciprocité qui permet d’oser, qui demande du temps et de l’engagement. Réciprocité énergie, résistance, culture, source, logique, force d’avenir et de vie. Réciprocité plaisir.
Réciprocité, objet d’étude et de recherches, posée comme préalable à l’action, nommée puis vécue ou non nommée mais implicite, induite, parfois fortuite. Réciprocité soumise à des conditions d’existence et nécessitant organisation et règles.
On aura beau travailler la réciprocité, et on fera bien, elle reste une énigme, une invention permanente, quelque chose de léger et indescriptible. Un désir d’aller découvrir d’autres rives. Un risque à prendre qui en donnant de la consistance à soi et aux relations, tisse des solidarités multiples.
Jérôme Eneau, dans l'ouvrage "Parier sur la réciprocité"
S’il faut constater, avec Todorov, que les hommes ne vivent pas en société par intérêt ou par vertu, mais qu’ils le font parce qu’il n’y a pas, pour eux, « d’autre forme d’existence possible », il n’en reste pas moins que l’altruisme reste probablement la seule issue possible au lien d’interdépendance qui les attache. En effet, la socialité n’est ni un accident ni une contingence, mais la définition même de la condition humaine. La réciprocité, quant à elle, ne peut assurer aux êtres humains, dans la dépendance qui les unit, qu’une fragile et relative liberté avec, comme seul espoir, un recours à l’apaisement dans les situations les plus conflictuelles. Cet équilibre, remarque Todorov, est toujours précaire : « la vie commune ne garantit jamais, et dans le meilleur des cas, qu’un frêle bonheur ».
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